Les Misérables Séance 2 : Fantine
Séance 2 : Fantine
Fantine est un personnage de jeune femme née de la misère et dont le destin sera tragique. Elle est la mère de Cosette, personnage important, et qui sera adoptée par Jean Valjean à la mort de sa mère. Voilà l'histoire de Fantine, en trois extraits. Lisez attentivement chaque extrait et répondez aux questions au fur et à mesure.Extrait numéro 1 : Le premier amour de Fantine
Fantine était un de ces êtres comme il en éclot, pour ainsi dire, au fond du peuple. Sortie des plus insondables épaisseurs de l’ombre sociale (1) , elle avait au front le signe de l’anonyme et de l’inconnu. Elle était née à Montreuil-sur-Mer. De quels parents ? Qui pourrait le dire ? On ne lui avait jamais connu ni père ni mère. Elle se nommait Fantine. Pourquoi Fantine ? On ne lui avait jamais connu d’autre nom. Elle reçut un nom comme elle recevait l’eau des nuages sur son front quand il pleuvait. On l’appela la petite Fantine. Personne n’en savait d’avantage. Cette créature humaine était venue dans la vie comme cela. À dix ans, Fantine quitta la ville et s’alla mettre en service chez les fermiers des environs. À quinze ans, elle vint à Paris « chercher fortune ». Fantine était belle et resta pure le plus longtemps qu’elle put. C’était une jolie blonde avec de belles dents. Elle avait de l’or et des perles pour dot, mais son or était sur sa tête et ses perles étaient dans la bouche.
Elle travailla pour vivre ; puis, toujours pour vivre, car le cœur a sa faim aussi, elle aima.
Elle aima Tholomyès.
Amourette pour lui, passion pour elle. Les rues du quartier latin (3), qu’emplit le fourmillement des étudiants et des grisettes(4), virent le commencement de ce songe. Fantine, dans ces dédales (5) de la colline du Panthéon, où tant d’aventures se nouent et se dénouent, avaient fui longtemps Tholomyès, mais de façon à le rencontrer toujours. Il y a une manière d’éviter qui ressemble à chercher. Bref, l'amourette eut lieu.
Blachevelle, Listolier et Fameuil formaient une sorte de groupe dont Tholomyès était la tête. C’était lui qui avait l’esprit.
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- Insondable : si profond que l'on ne peut le sonder, le
comprendre, en percer le mystère. Fantine vient donc des bas-fonds
de la société, de la misère.
- Quartier Latin : Encore aujourd'hui, quartier étudiant
de Paris, situé dans le 5e arrondissement.
- Grisettes : Le mot grisette désignait avec
condescendance, du XVIIIe au XIXe siècle, une jeune femme
vivant en ville de faibles revenus, ouvrière de la confection,
dentelière, employée de commerce.
- Dédale : labyrinthe. Le Panthéon est un monument
célèbre du quartier latin.
Tholomyès était l’antique étudiant vieux ; il était riche ; il avait quatre mille francs de rente. Tholomyès était un viveur (6) de trente ans, mal conservé. Il était ridé et édenté ; et il ébauchait une calvitie dont il disait lui-même sans tristesse : crâne à trente ans, genou à quarante. Il digérait médiocrement, et il lui était venu un larmoiement à un œil. Mais à mesure que sa jeunesse s’éteignait, il allumait sa gaîté ; il remplaçait ses dents par ses jeux de mots, ses cheveux par la joie, sa santé par l’ironie, et son œil qui pleurait riait sans cesse. Il était délabré (7), mais tout en fleurs. Sa jeunesse, pliant bagage bien avant l’âge, battait en retraite en bon ordre, éclatait de rire, et l’on n’y voyait que du feu. Il avait écrit une pièce qu'on lui avait refusé dans un théâtre populaire. Il faisait çà et là des poèmes quelconques. En outre, il doutait supérieurement de toute chose, grande force aux yeux des faibles.
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- Un viveur : un noceur, quelqu'un qui aime faire la fête,
boire et manger.
- Délabré : marqué par l'âge, commençant à montrer
des signes de vieillesse
Puis Tholomyès repartit en province pour hériter de ses parents, se marier, et obtenir une place de notable.
Une heure après avoir appris son départ par une lettre, quand elle fut rentrée dans sa chambre, elle pleura. C'était son premier amour ; elle s'était donné à ce Tholomyès comme à un mari, et la pauvre fille attendait un enfant.
- Qu'est-ce que le narrateur nous avoue ne pas savoir sur Fantine ? Pourquoi ne le sait-il pas ?
- « Elle avait de l’or et des perles pour dot, mais son or était sur sa tête et ses perles étaient dans la bouche. » Que veut dire cette phrase ?
- Quelle est la situation de Fantine à la fin de l'extrait ?
Fantine repart avec son enfant pour
Montreuil-sur-Mer. Elle confie la petite Cosette aux Thénardiers, un
couple d'aubergistes, qu'elle rémunère en échange des soins
apportées à sa fille.
Lorsque
Fantine revint à Montreuil-sur-Mer, personne ne se souvenait plus
d'elle. Heureusement la porte de la fabrique de M. Madeleine était
comme un visage ami. Elle s'y présenta, fut admise dans l'atelier
des femmes. Le métier était tout nouveau pour Fantine, elle n'y
pouvait être bien adroite, elle ne tirait donc de sa journée de
travail que peu de chose, mais enfin cela suffisait, le problème
était résolu, elle gagnait sa vie.
Quand
Fantine vit qu'elle vivait, elle eut un moment de joie. Vivre
honnêtement de son travail, quelle grâce du ciel ! Le goût du
travail lui revint vraiment. Elle acheta un miroir, se réjouit d'y
regarder sa jeunesse, ses beaux cheveux et ses belles dents, oublia
beaucoup de choses, ne songea plus qu'à Cosette et à l'avenir
possible, et fut presque heureuse. Elle loua une petite chambre et la
meubla à crédit sur son travail futur.
Ne
pouvant pas dire qu'elle était mariée, elle s'était bien gardée,
comme nous l'avons déjà fait entrevoir, de parler de sa petite
fille.
En
ces commencements, on l'a vu, elle payait exactement les Thénardier.
Comme elle ne savait que signer, elle était obligée de leur écrire
par un écrivain public. Elle écrivait souvent. Cela fut remarqué.
On commença à dire tout bas dans l'atelier des femmes que Fantine
« écrivait des lettres » et qu' « elle avait
des allures ».
On
observa donc Fantine. On apprit finalement qu'elle avait un enfant.
Fantine
était depuis plus d'un an à la fabrique, lorsqu'un matin la
surveillante de l'atelier lui remit, de la part de M. le maire,
cinquante francs, en lui disant qu'elle ne faisait plus partie de
l'atelier et en l'engageant, de la part de M. le maire, à quitter le
pays.
Accablée
de honte plus encore que de désespoir, elle quitta l'atelier et
rentra dans sa chambre. Sa faute était maintenant connue de tous !
Elle partagea les cinquante francs entre le propriétaire et le
fripier, rendit au marchand les trois quarts de son mobilier, ne
garda que le nécessaire, et se trouva sans travail, sans état,
n'ayant plus que son lit, et devant encore environ cent francs.
Elle
se mit à coudre de grosses chemises pour les soldats de la garnison,
et gagnait douze sous par jour. Sa fille Cosette lui en coûtait dix.
C'est en ce moment qu'elle commença à mal payer les Thénardier.
Ses créanciers (1) la harcelaient. Vers le même temps, le
Thénardier lui écrivit que décidément il avait attendu avec
beaucoup trop de bonté, et qu'il lui fallait cent francs tout de
suite ; sinon, il mettrait à la porte la petite Cosette. « Cent
francs, songea Fantine. Mais où y a-t-il un état à gagner cent
sous par jour ? »
- Allons ! Dit-elle, vendons le reste.
L'infortunée
se fit fille publique.(2)
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- créanciers : personnes chargées de récupérer l'argent que vous avez emprunté
- fille publique : prostituée
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- Qu'est-ce qui provoque le renvoi de Fantine de la fabrique de M. Madeleine ?
- Qu'est-ce qui va la pousser à se faire « fille publique » ?
Un gentilhomme s'amusait cette nuit là
à importuner une créature par des moqueries. La femme, triste
spectre (1) paré qui allait et venait sur la neige, ne lui répondait
pas, ne le regardait même pas, et n’en accomplissait pas moins en
silence et avec une régularité sombre sa promenade qui la ramenait
de cinq minutes en cinq minutes sous le sarcasme (2) , comme le
soldat condamné qui revient sous les coups de fouet.
Ce peu d’effet
piqua sans doute l'homme qui, profitant d’un moment où elle se
retournait, s’avança derrière elle à pas de loup et en étouffant
son rire, se baissa, prit sur le pavé une poignée de neige et la
lui plongea brusquement dans le dos entre ses deux épaules nues. La
fille poussa un rugissement, se tourna, bondit comme une panthère,
et se rua sur l’homme, lui enfonçant ses ongles dans le visage,
avec d'effroyables paroles. Ces injures, vomies d’une voix enrouée
par l’eau-de-vie, sortaient hideusement d’une bouche à laquelle
manquaient en effet les deux dents de devant. C’était Fantine.
Au bruit que cela fit, les officiers sortirent en foule du café,
les passants s’amassèrent, et il se forma un grand cercle riant,
huant et applaudissant, autour de ce tourbillon composé de deux
êtres où l’on avait peine à reconnaître un homme et une femme,
l’homme se débattant, son chapeau à terre, la femme frappant des
pieds et des poings, décoiffée, hurlant, sans dents et sans
cheveux, livide de colère, horrible.
Tout à coup un homme de haute taille sortit vivement de la foule, saisit la femme à son corsage de satin couvert de boue, et lui dit : — Suis moi !
La femme leva la tête ; sa voix furieuse s’éteignit subitement. Ses yeux étaient vitreux, de livide elle était devenue pâle, et elle tremblait d’un tremblement de terreur. Elle avait reconnu Javert, l'inspecteur de police.
L'homme avait profité de l’incident pour s’esquiver.
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(1) spectre : fantôme
(2) sarcasme : moquerie
- Trouvez à quoi Fantine est
comparée dans cet extrait (trois réponses à donner).
- Cherchez le mot
« déchéance » dans le dictionnaire ou sur internet. En
quoi le parcours de Fantine est-il une déchéance ?
- Qu'est-ce qui selon vous
explique le triste destin de ce personnage ?
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